Les registres des baptêmes, mariages et sépultures de la paroisse de Serches mentionnent quatre épisodes dramatiques survenus à Serches, deux en avril et deux en juillet et tous les quatre sous le rêgne de Louis XV.
1 – La bête
Les chroniques de l’Ancien Régime ainsi que les registres paroissiaux, rapportent de nombreux cas d’agressions et de crimes imputés à des bêtes errantes. Le cas le plus célèbre étant celui de la bête du Gévaudan dont la scène se déroula principalement dans l’actuel département de la Lozère avec quelques cas signalés dans le sud de l’Auvergne, le Nord du Vivarais et le Rouergue. Cette région connue durant deux ans entre le 30 juin 1764 et le 19 juin 1767, entre 88 et 124 attaques le plus souvent mortelles.
Le registre paroissial de Serches conservé aux archives départementales de l’Aisne relate un fait analogue survenu dix ans plus tôt. Le futur Louis XVI est né un an auparavant. Voici ce qu’écrit Montardier, vicaire de Serches.
« L’an 1755, le 17 juillet a été dévoré François Bochet par une mauvaise bête et presque entierrement mangé ne restant que les extrémités, fils de Louis Bochet et de feu Marie Vaumarne. Le même jour ses restes ont étés inhumés avec les cérémonies accoutumées. Faict acte, le père ni autres n’ont put Signer »
L’anecdote parait surprenante à nos yeux, car l’agression se déroule en plein mois de juillet. En cette saison d’abondance, la famine ne frappe pas les bêtes sauvages qui ne se hasardent pas d’attaquer les humains vraisemblablement nombreux dans les champs, occupés aux travaux des moissons. La victime ne semble pas âgée, elle est signalée comme fils et non comme époux. Quant à la nature de la dite bête, elle reste inconnue à jamais.

2 – Dans un puits
Ces mêmes registres nous apprennent l’existence d’un cabaret situé à l’écart du village de Serches aux limites de la commune, à la Folie, sur la route de Fère-en-Tardenois. Si l’on en juge par son emplacement, le débit de boisson fait probablement office de relais routier pour les voyageurs. D'ailleurs, la carte de Cassini dressé en 1747 le mentionne (par erreur sur l'autre côté de la route). Cet établissement est tenu par Louis Sauvage et son épouse Anne Françoise Bourry. Celle-ci décède le 7 avril 1771 âgée d’environ 55 ans.
Le 21 avril 1773, deux ans après la disparition de son épouse - un an avant la mort du roi Louis XV - on retrouve le corps de Louis sauvage dans le puits. Le lendemain, se rend sur les lieux M. Quinquet bailli de Soissons, venu constater ce décès peu banal et survenu sans doute sans témoins. D’autres officiers de justice font le déplacement ainsi que le seigneur de Serches et son épouse M. et Mme de Thonon.
Accident, suicide ou crime, on ignore le dénouement de l’enquête, les archives de police ayant brûlé dans l’incendie de l’hôtel de ville de Soissons lors de l’invasion russe sous Napoléon.
3 – Ecrasé par accident
Les accidents liés aux travaux manuels devaient êtres monnaie courantes. Pourtant un seul est notifié sur le registre des sépultures de Serches, survenus le 18 juillet 1768 à la ferme du Mont-de-Soissons. La victime, un jeune domestique de 22 ans du nom de Jean Louis Carijeaux, a périt "écrasé par accident dans une grange". Il était originaire de Saint-Rémy-de Cerny dans le Laonnois.

4 – L’incendie du moulin
Une dernière tragédie marque cette époque à Serches. Un moulin fonctionnait autrefois dans le marais entre Serches et Acy. L’existence de ce moulin est attestée par plusieurs sources. Il figure sur un plan terrier du 18e siècle conservé aux archives départementales et même sur la carte de Cassini publiée en 1747, qui le nomme moulin Coinon. A l’époque du drame, en 1771, le meunier se nomme Antoine Dufresne. Originaire de Bazoches, il est issu du milieu agricole et non de meunier. Il reprend donc le moulin en est marié à Marie Jeanne Guyart veuve de l’ancien Meunier de Serches, Joseph Ruin décédé neuf ans plus tôt à l’âge de 33 ans et avec lequel elle eut des enfants. Ruin était issu d'une lignée de meuniers venus de Cuise-la-Motte dans l'Oise et installés à Serches depuis quelques décenies.
La nuit du 16 au 17 avril, un incendie se déclare sur le moulin. Le feu ne peut être maîtrisé s’étend à toute la maison du meunier. Trois des enfants de Marie-Jeanne vont périr. Il s’agit de Simon âgé de 12 ans, de Marie-Jeanne âgée de 11 ans qu’elle eut de son premier mariage et son dernier enfant Marie Catherine âgée de 20 mois, née de son union avec l’actuel meunier Antoine Dufresne.

Décryptage du texte :
« l’an mil sept cent soixante et onze, le dix sept du mois d’avril je soussigné prêtre curé de la paroisse de Serches, ay inhumé dans le cimetière les restes et les débris des corps de Simon Ruin agé de douze ans, de Marie jeanne Ruin âgée de onze ans, enfants de défunt joseph Ruin meunier et de Marie jeanne guyarres, j’ay aussi inhumé le même jour Marie Catherine Dufrêsne âgée de vingt mois fille d’Antoine Dufrêsne meunier et de Marie Jeanne Guyarres, les quels trois enfants ont été trouvés et péris malheureusement dans un incendie qui à brulé aussi consommé la maison et le moulin de Serches la nuit du seize au dix sept d’Avril, la ditte inhumation a été faite en présence de Nicolas Demont clerc laïc de la ditte paroisse et de Claude gay Sindic qui ont signés avec nous le présent acte, les jours et an sus dits. »
Les incendies dans les moulins n’étaient pas rares, autrefois, et certains étaient dus à un échauffement des meules lors de rotation trop rapide. On ignore cependant l’origine du sinistre de Serches survenue la nuit. L’incendie du moulin marque t’il la fin de son activité ? Aucune trace d’autre meunier ne figurera après sur les registres. Pourtant, le cadastre « Napoléon » dressé en 1813, mentionne le moulin et ses installations hydrauliques (bief, canaux, étang). L’étang a été colmaté au siècle dernier. Il y a une douzaine d’année subsistaient des restes du moulin avec les traces de feu à l’intérieur du mur du pignon. Depuis, les ruines ont été démantelées.
Plan terrier de Billy (18e siècle) sur lequel figure le moulin de Serches et le château de Dhuisy. Archives départementales de l'Aisne, duplicata mairie de Billy-sur-Aisne.
Cadastre de 1813. La parcelle 1061 en rouge, marque l’emplacement du bâtiment. Une petite roue crénelée sur le canal indique l’emplacement de l'aube. Au Nord, le ru se scinde en deux tracés, l’un passe par des étangs (parcelle 1068), l’autre contourne la parcelle 1069. Les deux tracés se rejoignent au-delà du « Pont de Pierre ». Mairie de Serches, archives communales.